Les briques rouges de varsovie
Robert badinter
Sur un rayon de ma bibliothèque, depuis près d’un demi-siècle, deux briques cassées sont posées. Elles n’ont rien de remarquable, ni par leur couleur, rouge foncé, ni par leur texture. Mais elles sont précieuses pour moi. Ces morceaux de brique sont des fragments du mur qui entourait le ghetto de Varsovie, dont rien ne subsiste, hormis les souvenirs de quelques survivants et les écrits des contemporains. Pour qui a écouté ces voix d’outre-tombe, il est impossible de les oublier. Parfois, dans mon bureau, mon regard se pose sur ces fragments de brique rouge qui ont enserré tant de misère humaine. Je pense à ceux qui vécurent et moururent au ghetto. Aux martyrs, aux héros, aux salauds aussi, de cette cité engloutie. À force de rêver à eux, ils ont pris place dans ma mémoire imaginaire. Comment ont-ils vécu ? Comment sont-ils morts ? Leurs voix chuchotent leurs ultimes paroles. Écoutons-les, nous qui vivons encore !
R. B.
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